mercredi 5 octobre 2011

J'ai montré que la position idéologique s'établit comme défense contre l'ouvert par où menace la persécution du dehors et l'ambivalence du dedans, c'est-à-dire la destruction du bon objet. D'une certaine manière est-elle une défense contre la mentalisation, contre le degré zéro du penser : contre l'éprouvé. Elle une position de fermeture sur l'objet idéalisé, dans l'allégeance duquel sont tenues toutes les manifestations psychiques de l'éprouver, du représenter, de l'agir et du relier. Triple allégeance à l'idéal (idéalogie) à l'idole (idologie) à l'idée d'omnipotence (idéologie) rectrice de la réalité psychique toutefois déniée comme telle au profit de l'objectivation dans le réel : toute idéologie est objectivation et se donne pour objectivité. Elle ne tolère pas l'écart différentiel entre le désir et l'objet, entre le dedans et le dehors, entre le Soi et l'environnement. Elle s'organise comme reflet et répétition du même au même, assurant dans la clôture du discours la clôture des échanges intersubjectifs et la clôture des formes sociales dans lesquelles ces échanges pourraient avoir lieu, s'ils ne mettaient en péril le Moi en sa division suturée. l'idéologie (la position idéologique) est une fonction d'assignation univoque. C'est aussi l'espace identique au fétiche imposant la mise en place de l'objet au sujet : le temps de l'idéologie empiète sur l'avènement de l'histoire.

René Kaës, Crise, rupture et dépassement