On n'est vieux que le jour où on le décide.
Jean Anouilh, La valse des toréadors
Chaque jour une citation psy
L'adulte qui veut entrer en contact avec la vie affective du groupe affronte une tâche aussi formidable que celle qu'affronte le nourrisson dans ses efforts pour établir des relations avec le sein maternel, et l'insuccès de ses efforts se manifeste par une régression.
Wilfred R. Bion, Recherches sur les petits groupes
La thérapie familiale analytique est une thérapie par le langage du groupe familial dans son ensemble, fondée sur la théorie psychanalytique des groupes. Elle vise, par la réactualisation, grâce au transfert, des modes de communication les plus primitifs de la psyché, par le rétablissement de la circulation fantasmatique dans l'appareil psychique (familial), à l'autonomisation des psychismes individuels de chacun des membres de la famille.
André Ruffiot, La thérapie familiale psychanalytique
L'analyste qui fait un authentique travail d'analyse ne se met donc pas en position de « se souvenir » ; il ne tente pas consciemment de connaître, comprendre ou formuler le présent en tournant son attention vers le passé. Il vit plutôt l'analyse sur un mode rêveur - il rêve la séance d'analyse.
Thomas H. Ogden, Cet art qu'est la psychanalyse
Un diagnostic du type "psychotique" ou "cas limite" ne laisse pas de place pour l'élaboration, la spéculation, la conjecture ; il restreint les possibilités d'expansion. L'analyse ne doit pas nous contraindre au point de ne laisser aucune place pour le développement et la croissance.
Wilfred R. Bion, Bion à New York et à São Paulo
C'est là un point à prendre d'autant plus en compte dans le cas où une impulsion émotionnelle nous incite à reléguer un de nos patients dans les catégories de "sans espoir" ou de "psychotique". Avant d'agir sous ce genre d'impulsion, nous devons nous demander si "sans espoir" ou "psychotique" ne sont pas des qualificatifs qui éclairent notre propre état psychique, plutôt que celui du patient.
Wilfred R. Bion, Bion à New York et à São Paulo
La plupart d'entre nous l'ignorent, mais nous sommes mus d'un côté par une force qui nous mène vers l'extérieur, vers un résultat, une manifestation, une activité, une action, une parole, et d'un autre côté par une force qui nous conduit vers l'intérieur, vers un ressenti, un sentiment, une introspection.
Amiyo Devienne, entretien avec Catherine Maillard, Je danse donc j'existe
On l'appelle jeu de la bobine ou fort-da, depuis la découverte magistrale de Freud observant le jeu de contraires de son petit-fils et comprenant que l'enfant y découvre du sens. Cela peut se produire avec n'importe quel jeu de contraires, mais pour le petit-fils de Freud, c'est une bobine qu'il lance et ramène, qu'il fait alternativement disparaître et réapparaître. L'absence temporaire de la mère a plongé l'enfant dans le désespoir jusqu'à ce qu'il découvre, dans une illumination, que l'objet qui va et vient, entre absence et présence, peut mimer le mouvement de la mère, donc représenter celle-ci et qu'elle peut revenir « autrement ». C'est dans un insight, dans un état de transe, que lui apparaît le sens de l'objet : la bobine peut représenter sa mère et, même lorsque celle-ci est absente, le symbole reste là, bien présent, permettant à l'enfant de la retrouver autrement. Il a découvert le symbole, le sens.
France Schott-Billmann, La thérapie par le danse rythmée
Avant d'avoir étudié le zen pendant trente ans, j'ai vu les montagnes comme des montagnes, les rivières comme des rivières. En avançant sur le chemin de la connaissance, j'en suis arrivé au point où j'ai compris que les montagnes ne sont pas des montagnes, les rivières ne sont pas des rivières. Mais maintenant que j'ai pénétré dans la fine substance de la connaissance, je suis serein car de nouveau, je vois les montagnes comme des montagnes, les rivières comme des rivières.
Ch'ing-Yian
Quand on est vivant, créer va de soi. Inversement, c'est quand on reproduit qu'on cesse de créer et qu'on cesse d'être vivant. Quelqu'un qui ne fait que reproduire souffre d'un manque de conscience, et fait preuve de passivité. Être vivant s'accompagne forcément d'une prise de rique autour de la création. Il ne s'agit pas de créer à partir de rien, l'ancien aussi est à prendre en compte. Je viens moi-même d'une tradition de ballet. Au fond, il s'agit de se recréer soi-même.
Rafael Baile, entretien avec Catherine Maillard, Je danse donc l'existe
Qu'est-ce qu'une vivencia ?
Ce mot correspond au terme allemand Erlebnis défini par le philosophe Wilhelm Dilther (1833-1911) comme l'« instant présent vécu intensément ». Rolando Toro [le fondateur de la biodanza] avait quant à lui l'habitude de le définir ainsi : « la vivencia est une expérience vécue avec une grande intensité par un individu, dans un ici et maintenant qui englobe les émotions, les sensations et les fonctions organiques. »
Paula Roulin Prat, entretien avec Catherine Maillard, Je danse donc j'existe
Dionysos, qui dans la symbolique représente l'homme, dansait déjà ans le ventre de sa mère. Il est le symbole de l'homme dansant, c'est-à-dire de l'homme qui réunit les opposés : corps/esprit, soi/autre, visible/invisible, absence/présence.
France Schott-Billmann, entretien avec Catherine Maillard, Je danse donc j'existe
Il y a dans nos sociétés modernes une immense ignorance sensorielle. Cette cécité générale est très curieuse et dramatique. Pourtant, nous avons de bons observateurs, de bons analystes, mais ça, ça ne passe pas. Comme si maîtriser ses sens n'était pas une connaissance nécessaire à nos sociétés.
Albert Palma, cité par Patrice van Eersel, préface à Je danse donc j'existe de Catherine Maillard
Pour Freud, aimer et travailler, d'abord ! Ces deux grandes entreprises de la vie et de la psychanalyse pourraient nourrir des attentes modestes en apparence qui pourtant se révlèlent parfois formidablement ambitieuses. On pourrait ajouter « se séparer », « être capable de se quitter », [...].
Catherine Chabert, Maintenant, il faut se quitter...
Ce que montre Freud en effet, c'est que le déclenchement de la crise paranoïaque a précédé, chez Schreber, la construction du délire religieux, en sorte que celui-ci apparaît comme un délire de reconstruction, le moyen par lequel le malade restaure un ordre susceptible de le rendre à une vie vivable.
Denis Pelletier, préface à Le Président Schreber de Sigmund Freud
Une clinique de l'inter-subjectivité rythmique du groupe demanderait à être développée. Elle nous apprendrait que certains fonctionnements psychotiques sont moins le résultat d'un désinvestissement de la réalité extérieure que celui d'un excès ou d'un déficit des polarités interpulsives nécessaires à l'élaboration relationnelle.
Ophélia Avron, La pensée scénique
Que ce soit pour des choix décisifs comme une voie de spécialisation ou une affaire de cœur, ou des choix ponctuels de la vie quotidienne comme une invitation ou un achat, les jeunes font souvent face au fear of missing out, c'est-à-dire la peur de manquer quelque chose qui serait mieux.
Nathalie de Kernier, Le projet de vie
Le pénis, organe de pénétration devient pour le garçon un organe de perception qu'il assimile à l'œil ou à l'oreille ou aux deux à la fois ; par ce truchement il explore l'intérieur de la mère, y découvre les périls qui guettent son pénis et ses excréments, par le pénis et les excréments du père.
Melanie Klein, La psychanalyse des enfants
Oui, c'est problématique, mais il y a un postulat : contrairement à ce qu'on pense, il ne nous est pas donné de naître humains. Selon la qualité de l'amour que nous avons reçu, nous sommes animés de mouvements de compassion, des mouvements d'ouverture vers l'autre. Nous naissons aussi avec ce lot de colère et de méchanceté - appelons-le ainsi. Il s'adresse aux objets que nous aimons et aux objets qui nous aiment de faire évoluer ce mélange et de le faire basculer, vers quoi ? Vers la reconnaissance de l'autre.
André Green, Associations (presque) libres d'un psychanalyste : entretiens avec Maurice Corcos
La clinique des maladies mentales nous confronte avec une réalité incontournable, celle des contagions et des transmissions psychiques, celles des solidarités, alliances et collusions inconscientes qui nous obligent de penser la nature et le fonctionnement psychiques de telle manière que soit non seulement théoriquement possible mais concevable cela même qui passe de l'un à l'autre. Nous ne pouvons penser la pysché comme une monade fermée sur elle-même, le sujet comme enfermé dans un total isolement, la folie comme simple idiopathie. Il s'agit par là d'opérer une véritable rupture épistémologique pour pouvoir penser ces échanges et ces communications dans un apareillage complexe mettant en relation l'un avec l'autre.
Jean-Pierre Vidal, Fous alliés ; folie à deux et folie à plusieurs : folies simultanées, délires convergents ou folie communiquée ?
La psychanalyse a pour unique supériorité de ne pas affirmer dans l'abstrait les deux principes psychiques de la sexualité et de l'inconscience de la vie psychique, mais de les démontrer sur un matériau qui concerne chaque individu personnellement et le force à prendre position face à ces problèmes.
Sigmund Freud, Une difficulté de la psychanalyse
Dans son article de 1925 sur La dénégation, Freud a montré que l'adverbe « non » et que la forme négative de l'énoncé verbal ne peuvent exister comme outils logico-grammaticaux qu'à condition d'être investis par la pulsion de mort. Refuser, nier, sont des équivalents symboliques de détruire.
Didier Anzieu, Le groupe et l'inconscient
C'est la valeur prophétique, poétique, de la recommandation technique de Freud, d'écouter chaque patient comme si c'était la première fois, en oubliant l'expérience acquise, c'est-à-dire sans le comparer et sans penser qu'aucun mot venant de sa bouche est du même usage que celui d'un autre.
Jacques-Alain Miller, L'ère de l'homme sans qualités
Le terme paraîtra moins péjorant si l'on s'avise que, comme l'a suggéré Jacques Lacan, l'ignorance n'est pas seulement un état privatif, mais une passion - au même titre que l'amour et la haine ! L'ignorance est sentiment de manque, constituant le désir de savoir, contrairement au savoir dogmatique. L'ignorance est bien un état passionnel et la psychanalyse, si copieux que soit son savoir, tiré de son expérience, a sans cesse affaire à ce manque qu'elle travaille. N'est-ce pas ce « savoir non su » qu'elle théorise sous le nom d'« inconscient » ?
Paul-Laurent Assoun, introduction à Sur la psychanalyse. Cinq leçons de Sigmund Freud
René Kaës distingue quatre rapports principaux au groupe :
- le groupe comme environnement ;
- le groupe comme objet ;
- le groupe comme struture ;
- le groupe comme appareil de liaison.
Ces quatre rapports au groupe sont à l'origine de la constitution du sujet. "Le sujet, j'insiste, est le sujet du groupe, et la groupalité est une dimension (état et structure) du sujet".
Edith Lecourt, Introduction à l'analyse de groupe, citant René Kaës, La transmission psychique intergénérationnelle et intragroupale
Je pourrais donc terminer et résumer cette rapide recherche en disant qu'on retrouve dans le complexe d'Œdipe les commencements à la fois de la religion, de la morale, de la société et de l'art, et cela en pleine conformité avec les données de la psychanalyse qui voit dans ce complexe le noyau de toutes les névroses, pour autant que nous ayons réussi jusqu'à présent à pénétrer leur nature.
Sigmund Freud, Totem et tabou
La maladie psychique ne surgit pas de l'extérieur. Elle ne s'attrape pas, elle est un basculement. Chacun d'entre nous peut être incapable ou mis dans l'incapacité de résister. La vie psychique normale se définit par la présence d'une force constante et désorganisatrice mise en échec par la capacité de résister, tandis qu'un système antagoniste inhibe le pathologique.
Frédérique Debout, préface aux Cinq leçons sur la psychanalyse de Sigmund Freud
Sexuels les bercements et la jolie balançoire. Sexuelle et sans pitié l'étonnante cruauté du petit homme. Qu'ai-je oublié ? Son goût du masochisme ? Et qu'il est voyeur, et dépourvu de toute pudeur ? Aucun plaisir ne l'assouvit, aucun ne l'arrête ; il sera tour à tour cannibale, homosexuel et incestueux. N'importe quelle activité l'excite, bouger, parler, penser, tout lui est bon, le travail comme le sommeil, le jeu comme l'épouvante.
Michel Gribinski, préface aux Trois essais sur la théorie sexuelle de Sigmund Freud
Le transfert doit être compris comme la manifestation de sentiments inconscients qui tendent à la reproduction stéréotypée de situations, caractéristique de l'adaptation passive à la réalité. Cette reproduction se met au service de la résistance au changement, de l'évitement de la reconnaissance de la douleur, du contrôle des anxiétés de base (peur de la perte, peur de l'attaque). La négation du temps et de l'espace qui se manifeste dans le transfert apparaît comme une technique défensive devant une situation de changement.
Enrique Pichon-Rivière, Psychanalyse et psychologie sociale - Hommage à Enrique Pichon-Rivière
Bion indique qu'il est possible de distinguer ou de supposer dans toute transformation (désignée par la lettre T) un fait ou un état initial (qu'il désigne par la lettre O), un processus de transformation (T𝛼), obtenu par certaines techniques ou sous certaines conditions, et un produit final (T𝛽) résultant du processus. Il importe en outre de déterminer le milieu où s'effectuent les transformations. Le concept d'invariance désigne ce qui, de O, reste inaltéré dans le processus de transformation (T𝛼). L'invariance permet de reconnaître dans le produit final (T𝛽) l'original (O) transformé.
René Kaës, La parole et le lien
Par la défense qu'il [l'humour] constitue contre la possibilité de la souffrance, il prend place dans la longue série des méthodes que la vie psychique de l'homme a déployées pour échapper à la contrainte de la souffrance, série qui commence avec la névrose, culmine dans la folie, et dans laquelle il faut inclure l'ivresse, l'absorption en soi-même, l'extase.
Sigmund Freud, L'humour
L'innovation capitale, du point de vue technique, consiste à soustraire le thérapeute du champ visuel de l'hystérique pour qu'elle se fît entendre et qu'elle ne trouvât plus chez le spectateur dans le réel le regard qui incarne son désir. Elle se voyait contrainte de retrouver dans sa propre parole sa division interne et dans le miroir son propre regard [...]. Dès lors, l'hystérie pour se faire entendre devait transformer ses cris et ses convulsions en mots.
René Major, L'hystérie : rêve et révolution
J'utilise le terme "intersubjectivité" pour penser la question de la rencontre d'un sujet, animé de pulsion et d'une vie psychique inconsciente, avec un objet, qui est aussi un autre-sujet, et qui présente donc les mêmes caractéristiques. Une telle définition me paraît tout à fait essentielle pour souligner la place de l'objet et de la "réponse" de l'objet aux mouvements pulsionnels du sujet, dans le devenir psychique de ceux-ci.
René Roussillon, L'intersubjectivité, l'inconscient et le sexuel
Que nous transmettent en définitive ces patients voués à la répétition ? Ils veulent vivre, éprouver, dans ce qui, plutôt que s'être inscrit en eux, a été incorporé au plus profond d'eux, le plus souvent une douleur méconnue par les autres et sans doute inconnue d'eux-mêmes. Les mots alors perdent leur pouvoir. Ils sont exangues, ils n'ont pas de corps, ils manquent de chair. Acharnement (il y a chair dans ce mot-là) de la répétition. « Où est ma souffrance ? disait quelqu'un. Je souhaite la voir revenir. » On a beau dire, Freud, malgré lui peut-être, reste un thérapeute. Comment ne serait-il pas déconcerté face à ceux qui préfèrent tomber malade et le rester plutôt que « tomber guéris » ?
J.-B. Pontalis, préface à Huit études sur la mémoire et ses troubles, compilation de textes de Sigmund Freud
Il est est de la vie quotidienne comme du corps d'un enfant : tout est propice à la liaison entre le souhait prohibé et sa réalisation, tout est apte à produire une connexion, un « pont », entre la surface bienséante de nos gestes et de nos discours et l'« expression discrète » de nos désirs inavouables.
Laurence Kahn, préface à La psychopathologie de la vie quotidienne, Sigmund Freud
Le mot est un peu usé, il trouve pourtant ici toute sa légitimité, la pensée freudienne a révolutionné quelques-uns des fondamentaux sur lesquels repose l'expérience humaine : ce que « moi » veut dire, l'infantilisme de la sexualité, notre rapport à la temporalité et à la mort, la présence d'un inconciliable au cœur de la vie psychique de chacun, l'empire de la honte et de la culpabilité par-delà la morale ordinaire, l'inexorable violence individuelle et collective.
Jacques André, Lectures de Freud
Les actings out ou les acting in de la part du patient tendent, aujourd'hui, à être plus largement considérés comme des éléments qui participent du dialogue analytique (et non seulement comme la rupture de ce dialogue). La tâche de l'analyste n'est pas d'amener le patient à mettre un terme à ses passages à l'acte, mais de faire en sorte que l'espace analytique « enveloppe » ces communications agies.
Thomas H. Ogden, Les Sujets de l'analyse
Une certaine catégorie de consultants qui viennent demander une analyse, férus de concepts freudiens et surtout post-freudiens, tout à fait capables dans leurs écrits, voire dans leurs prestations orales, de remarquables exercices de haute voltige psychanalytique. Dans le cabinet du psychanalyste, lorsqu'ils exposent les raisons personnelles de leur malaise devant l'existence, voire de leurs symptômes qui sont souvent loin d'être bénins, ils ne font aucune relation entre leur savoir et leurs tensions internes, ou même leur rapport à eux-mêmes dérisoires ou confusionnant. L'artéfact du savoir a parasité la vérité du sujet. L'économie de l'expérience n'a fait que durcir la méconnaissance.
André Green, Artfacts et artifices en psychanalyse
La psychanalyse commence lorsque, délibérément, Freud s'écarte de la psychologie scientifique. Désormais ce qui va mobiliser sa démarche n'est pas l'ordre de la pensée, mais son opposé, à savoir les désordres de la pensée. De la même façon, on ne trouvera pas chez Freud de théorie de la mémoire, mais l'inverse : une théorie de l'oubli, de l'amnésie, de la déformation des souvenirs, des défaillances multiformes de la mémoire. De même, on ne trouvera pas chez Freud de théorie de l'intelligence, mais une théorie de l'inhibition, et des autres désordres de l'intelligence.
Christophe Dejours, préface à Sur la psychopathologie de la vie quotidienne de Sigmund Freud
La notion de « mère-environnement », de Winnicott, a fortement mis en avant l'idée analytique d'une « matrice du transfert ». Le nourrison entretient une relation non seulement à la mère comme objet (objet-mère), mais aussi, depuis le tout début, à la mère comme environnement (mère-environnement). Par conséquent, le transfert ne se limite pas au transférement de notre vécu des objets internes aux objets externes, mais il déplace aussi, à la situation analytique, ce que nous vivons de notre environnement interne.
Thomas H. Ogden, Les Sujets de l'analyse
Les théories de la relation d'objet se distingent les unes des autres par plusieurs traits. Les unes mettent l'accent sur l'objet plutôt que sur la relation, ou inversement. Les autres sur l'appréhension « plus ou moins » fantasmatique de l'objet ; elles accordent une détermination décisive, soit au poids de l'environnement (Spitz, Balint, Róheim...), soit à la seule réalité psychique (M. Klein, J. Riviere...) et au statut purement fantasmatique des objets internes, soit au rôle structurant des relations d'objet mutuelles des sujets en interrelation (Bion, Winnicott...).
René Kaës, Le Groupe et le sujet du groupe
Aussi est-on forcément d'autant plus surpris, voire désorienté, quand on fait comme médecin l'expérience qu'il arrive à des hommes de tomber malades au moment où un désir, intimement fondé et longuement nourri, est parvenu à son accomplissement.
Sigmund Freud, Quelques types de caractère dégagés par le travail psychanalytique
Le processus analytique reflète l'interaction de trois subjectivités : celle de l'analyste, de l'analysant et du tiers analytique. Le tiers analytique est une création de l'analyste et de l'analysant, et, en même temps, l'analyste et l'analysant (en qualité d'analyste et d'analysant) sont créés par le tiers analytique. (Il n'y a pas plus d'analyste que d'analysant ou d'analyse en l'absence du tiers.)
Thomas H. Ogden, Les Sujets de l'analyse
[...] j'ai constaté chez un certain nombre de patients une illusion. L'illusion est la suivante : ces gens, pour des raisons que je n'ai pas à détailler, ont extrêmement peur de leurs pulsions, mais ne le savent pas. [...] L'illusion, c'est de penser qu'il suffit d'être aimé pour résoudre les problèmes. Or, ce n'est pas vrai, cela ne résout rien du tout parce que rien ne peut venir remplacer la position fondamentale qui est d'aimer soi-même.
André Green, Associations (presque) libres d'un psychanalyste. Entretiens avec Maurice Corcos
Voilà pourquoi la sexualité infantile, qui est soumise au refoulement, est la force motrice principale de la formation du symptôme, et que l'élément esentiel de son contenu, le complexe d'Œdipe, est le complexe nucélaire de la névrose.
Sigmund Freud, "Un enfant est battu". Contributions à la connaissance de la genèse des perversions sexuelles
Je désigne ainsi [par ce concept de « parents internes »] un troisième terme situé entre ce que dit le patient et ce qu'entend l'analyste. Ce troisième terme réaparraît entre ce que l'analyste croit dire et ce que le patient entend effectivement. Ce troisième terme ne coïncide pas, ne peut pas coïncider avec les parents de la réalité matérielle. Ces parents internes ne coïncident pas davantage avec la représentation que se font les patients de leurs parents. Les parents qui m'intéressent ici sont ceux qui prennent forme dans le dire du patient, au-delà de ce que le patient croit que les parents sont. Ils diffèrent également de ceux que l'analyste se représente à partir de sa théorie ou de l'image proposée par leurs patients.
Haydée Faimberg, À l'écoute du téléscopage des générations : pertinence psychanalytique du concept
l'é-motion n'est pas un état permanent intérieur. Comme son nom l'indique, c'est un mouvement, qui fait sortir de soi celui qui l'éprouve. Elle s'extériorise par des manifestations physiques et s'exprime par une modification du rapport au monde. L'être ému se trouve débordé, du dedans comme au-dehors.
Michel Collot, La matière-émotion
La position paranoïde (ou persécutrice) nous fait redouter d'être envahi non seulement dans notre corps mais surtout dans notre esprit par un être tout-puissant, tyrannique, menaçant, qui nous environne, qui est plus un morceau indifférencié de corps et d'esprit qu'une véritable personne et dont aucune frontière, aucune barrière ne nous sépare et ne nous protège. L'angoisse ici, prend des formes du genre : on pénètre dans mon corps pour exciter en moi certaines sensations, on me vole mes pensées, on m'influence dans mes désirs, mes idées. D'où la méfiance à l'égard de tous ceux qui me témoignent de la curiosité, de l'intérêt, de l'affection. D'où l'alternative : ou attaquer avec violence ce persécuteur si on réussit à l'identifier, ou se retirer dans l'indifférence, l'insensibilité, s'établir à des milliers d'années-lumières de lui derrière un no man's land infranchissable (ce qui correspond alors à une position schizoïde).
Didier Anzieu, Une peau pour les pensées. Entretiens avec Gilbert Tarrab
Les mécanismes de défense servent le dessein d'écarter les dangers. Il est incontestable qu'il y réussissent ; il est douteux que le moi puisse pendant son développement renoncer entièrement à eux, mais il est également certain qu'ils peuvent eux-mêmes devenir des dangers.
Sigmund Freud, L'analyse finie et l'analyse infinie
Rigoureusement parlant - et pourquoi n'en parlerait-on pas aussi rigoureusement que possible ? - ne mérite d'être reconnu psychanalyse correcte que l'effort analytique qui a réussi à lever l'amnésie qui dissimule à l'adulte la connaissance des débuts de sa vie infantile (c'est-à-dire de la période qui va de la seconde à la sixième année).
Sigmund Freud, « Un enfant est battu ». Contributions à la connaissance de la genèse des perversions sexuelles
Effectivement, c'est dans les rapports d'idéalisation qu'on voit les côtés mortifères, c'est-à-dire que jamais on n'est à la hauteur de son idéal. Et l'idéal vous dévore, donc vous fait sentir votre petitesse par rapport à ses exigences.
André Green, Associations (presque) libres d'un psychanalyste. Entretiens avec Maurice Corcos
J'ai appelé alliance inconsciente une formation psychique intersubjective construite par les sujets d'un lien pour renforcer en chacun d'entre eux et établir là la base de leur lien les investissements narcissiques et objectaux dont ils ont besoin, les processus, les fonctions et les structures psychiques qui leur sont nécessaires et qui sont issus du refoulement, ou du déni, du rejet et du désaveu. L'alliance est formée de telle sorte que le lien prend pour chacun de ses sujets une valeur décisive. L'ensemble ainsi lié (le groupe, la famille, le couple) tient sa réalité psychique des alliances, des contrats et des pactes que ses sujets concluent et que leur place dans l'ensemble les oblige à maintenir.
René Kaës, Un singulier pluriel. La psychanalyse à l'épreuve du groupe
Avez-vous déjà suivi un gourou ou un mentor ? Je l'ai fait. J'ai donné mon pouvoir à mes amantes, mes épouses. J'attendais, près du téléphone, j'attendais des permissions. Dans le travail aussi, j'ai attendu en tremblant le jugement des autres. J'ai donné mon pouvoir parfois subtilement, d'un seul regard, d'autres fois ouvertement, sans honte, à la vue de tous. L'exil, le bannissement, l'échec, peuvent être de bonnes choses car ils nous forcent à agir depuis notre centre et non plus à partir de quelqu'un d'autre. J'applaudis quand vous tombez au fond du trou, parce qu'au fond du trou, il n'y a que vous-même.
(Traduction de Christel Petitcollin)
Steven Pressfield, Turning Pro
René Kaës a vu le premier que les deux modes spécifiques, dans une situation de groupe, d'élaboration secondaire d'un matériel fantasmatique latent sont le mythe et l'idéologie. Nous-même, nous avons remarqué que dans un groupe l'émergence du processus de symbolisation se reconnaît à ce que le discours collectif commence à contenir des figurations symboliques de la situation hic et nunc (cf. les thèmes de l'auberge espagnole, de Huis clos, de la Cène, du tribunal révolutionnaire, etc.). Nous avons également constaté que l'interprétation ne devient recevable par les participants que si leurs échanges verbaux ont accédé à cette symbolisation.
Didier Anzieu, Le Groupe et l'Inconscient
Il est essentiel de le comprendre : l'homme moderne est en fait un curieux mélange de caratère acquis au long d'une évolution mentale millénaire. Et c'est de cet être mêlé, de cet homme et de ses symboles, qu'il nous faut nous occuper, et dont il faut examiner la vie mentale avec la plus grand attention. Le scepticisme et la conviction scientifique coexistent chez lui avec des préjugés démodés, des manières de penser et de sentir dépassées, des contresens obstinés, une ignorance aveugle.
Carl Gustav Jung, Essai d'exploration de l'inconscient
[L'école anglaise de psychanalyse, partiellement issue de et fort influencée par Melanie Klein,] a mis en évidence la double dimension, fantasmatique et symbolique, dans les groupes. Par exemple, la situation de groupe directif développe chez les sujets l'ambivalence envers l'autorité, tandis que la situation non directive provoque une régression plus archaïque, préœdipienne, avec une accentuation des angoisses de morcellement, de persécution et de dépression dont on peut ainsi découvrir qu'elles étaient d'ailleurs latentes en tout groupe. Le “climat” d'un groupe, réel ou artificiel, ses productions ou son incapacité à produire, sont liés aux résonances ou aux discordances fantasmatiques sous-jacentes. L'intervention psychanalytique vise à rendre les membres de ce groupe sensibles à l'articulation ou aux heurts de leurs fantasmes, soit pour pour les en dégager, soit pour y puiser les ressources psychologiques inconscientes reprises pour une entreprise commune.
Didier Anzieu, Introduction in Groupes : psychologie sociale clinique et psychanalyse, numéro spécial du Bulletin de psychologie