vendredi 30 juin 2017

Le véritable antagoniste d'Eros ne serait pas alors Thanatos, mais une autre force, tenant d'un fait de culture, psychanalytiquement rattachable au mythe de la castration ancestrale du père de la horde primitive.

Denise Braunschweig et Michel Fain, Eros et Anteros

jeudi 29 juin 2017

L’affect d’exaltation touche le moi lui-même. Il comprend un sentiment d’élargissement du moi qui peut survenir dans différents contextes. De la joie ressentie aux conquêtes du moi à l’exaltation de l’état maniaque, toute une gamme d’états implique peu ou prou l’exaltation. Le sentiment océanique, objet d’une controverse entre Freud et Romain Rolland, s’inscrit comme l’un des aspects de l’exaltation dans le registre mystique. L’auteur considère que le sentiment océanique est lié à un fantasme incestueux de retour au sein maternel alors que le moi qui s’agrandit progressivement évolue sous le signe de l’Œdipe.

Résumé de l'article de Paul Denis, Un destin de l’excitation : l’exaltation

mercredi 28 juin 2017

On a beau connaître ou croire connaître par cœur les étapes de l’itinéraire de Freud, les différents temps de cette décisive aventure de l’esprit qui fut la sienne, on a beau savoir à quel point il fut convaincu de la portée de la « jeune science » qu’il a pas à pas constituée en se refusant à la limiter à une méthode de traitement des « maladies nerveuses », on reste, à la lecture de ce petit livre, saisi par la passion intransigeante de cet homme, par sa volonté tenace de s’avancer toujours plus loin sur le chemin qu’il a tracé pour nous et d’abord pour lui-même ; on admire sa certitude, qu’aucun échec, qu’aucun obstacle ne parvinrent à ébranler – tout au contraire -, que la psychanalyse, c’est lui, Freud, jusqu’à l’identifier à sa propre vie.

J.-B. Pontalis, préface à Sigmund Freud présenté par lui-même

mardi 27 juin 2017

On peut aussi se représenter sans peine que certaines pratiques mystiques sont capables de renverser les relations normales entre les différentes circonscriptions psychiques, de sorte que, par exemple, la perception peut saisir, dans le moi profond et dans le ça, des rapports qui lui étaient autrement inaccessibles.  Pourra-t-on par cette voie se rendre maître des dernières vérités dont on attend le salut ? On peut tranquillement en douter. Nous admettrons toutefois que les efforts thérapeutiques de la psychanalyse se sont choisi un point d'attaque similaire.Leur intention est en effet de fortifier le moi, de le rendre plus indépendant du surmoi, d’élargir son champ de perception et de consolider son organisation de sorte qu’il puisse s’approprier de nouveaux morceaux du ça. Là où était du ça, doit advenir du moi.

Sigmund Freud, Nouvelles conférences d'introduction à la psychanalyse

lundi 26 juin 2017

Votre raison et votre passion sont le gouvernail et les voiles de votre âme navigante.
 
Si votre raison venait à se briser ou votre passion à se déchirer, vous ne seriez qu'un navire emporté au gré des vents et des courants, ou à jamais ancré entre ciel et mer.
 
Car la raison, régnant seule, bride tout élan ; et la passion, livrée à elle-même, s'embrase et se consume tout feu tout flamme jusqu'à ce qu'elle se réduise en cendres.

Khalil Gibran, Le prophète

vendredi 23 juin 2017

A l'origine de l'excitation, les mouvements pulsionnels doivent être saisis dans leur double dimension ; passive du côté de la sensation, de l'empreinte [...], active du côté de l'exercice, de la maîtrise.

Catherine Chabert, Les voies intérieures

jeudi 22 juin 2017

L'individualisation de la période de latence implique et présuppose la découverte connexe de l'inconscient et de la sexualité infantile, à travers la résistance due aux processus défensifs.

Christian David, L'état amoureux

mercredi 21 juin 2017

Être psychanalyste, c'est savoir que toutes les histoires reviennent à parler d'amour. La plainte que me confient ceux qui balbutient à côté de moi a toujours pour cause un manque d'amour présent ou passé, réel ou imaginaire. Je ne peux l'entendre que si je me place moi-même en ce point d'infini, douleur ou ravissement. C'est avec ma défaillance que l'autre compose le sens de son aventure.
Philosophie, religion, poésie, roman ? Histoires d'amour. De Platon à saint Thomas, de Roméo et Juliette à Don Juan, des troubadours à Stendhal, de la Madone à Baudelaire ou Bataille. Les grandes élaborations symboliques ne disent pourtant rien d'autre que ce qui s'écoute dans l'ombre, chaque jour. Être psychiquement en vie signifie que vous êtes amoureux, en analyse, ou bien en proie à la littérature. Comme si toute l'histoire humaine n'était qu'un immense et permanent transfert.

Julia Kristeva, Histoires d'amour

mardi 20 juin 2017

La théorie des pulsions est pour ainsi dire notre mythologie. Les pulsions sont des êtres mythiques, grandioses dans leur indétermination.

Sigmund Freud, Nouvelles conférences d'introduction à la psychanalyse

lundi 19 juin 2017

L'excès de honte [...] renvoie au refus de toute honte : au refus de ce qui suscite nos hontes premières, après coup. Honte de devoir la vie à la copulation d'un homme et d'une femme : honte d'être né inter faeces et urinas ; honte d'avoir été bercé, caressé, nourri, changé et d'avoir aimé cela ; honte d'accepter, sous la menace de castration, les compromis œdipiens ; honte des transactions subtiles entre les besoins du corps et de ses zones érogènes et la purification de l'idéal.

Jean-Luc Donnet, Lord Jim ou la honte de vivre

vendredi 16 juin 2017

Tout ce qui est or ne brille pas ; tout ceux qui errent ne sont pas perdus ; le vieux qui est fort ne dépérit point ; les racines profondes ne sont pas atteintes par le gel.

J. R. R. Tolkien

jeudi 15 juin 2017

Or, à la faveur du transfert, le névrotique reproduit et ranime avec beau­coup d’habileté toutes ces circonstances indésirées et toutes ces situations affectives douloureuses. Le malade s’efforce ainsi d’interrompre le traitement inachevé, de se mettre dans une situation qui ranime en lui le sentiment d’être, comme jadis, dédaigné de tout le monde, de s’attirer de la part du médecin des paroles dures et une attitude froide, de trouver des prétextes de jalousie ; il remplace l’ardent désir d’avoir un enfant, qu’il avait autrefois, par des projets ou des promesses d’importants cadeaux, le plus souvent aussi peu réels que l’objet de son désir de jadis. Cette situation que le malade cherche à reproduire dans le transfert, n’avait rien d’agréable autrefois, alors qu’il s’y est trouvé pour la première fois. Mais, dira-t-on, elle doit être moins désagréable aujourd’hui, en tant qu’objet de souvenirs ou de rêves, qu’elle ne le fut jadis, alors qu’elle imprima à la vie du sujet une orientation nouvelle. Il s’agit naturellement de l’action de penchants et d’instincts dont le sujet s’attendait, à l’époque où il subissait cette action, à retirer du plaisir ; mais bien qu’il sache par expérience que cette attente a été trompée, il se comporte comme quelqu’un qui n’a pas su profiter des leçons du passé : il tend à reproduire cette situation quand même, et malgré tout, il y est poussé par une force obsédante.

Sigmund Freud, Au-delà du principe de plaisir

mercredi 14 juin 2017

L’épanouissement précoce de la vie sexuelle infantile devait avoir une très courte durée, en raison de l’incompatibilité des désirs qu’il comportait avec la réalité et avec le degré de développement insuffisant que présente la vie infantile. Cette crise s’est accomplie dans les circonstances les plus pénibles et était accompagnée de sensations des plus douloureuses. L’amour manqué, les échecs amoureux ont infligé une mortification profonde au sentiment de di­gnité, ont laissé au sujet une sorte de cicatrice narcissique et constituent, d’après mes propres observations et celles de Marcinowski, une des causes les plus puissantes du « sentiment d’infériorité », si fréquent chez les névro­tiques. L’exploration sexuelle, à laquelle le développement corporel de l’en­fant a mis un terme, ne lui a apporté aucune conclusion satisfaisante ; d’où ses doléances ultérieures : « Je suis incapable d’aboutir à quoi que ce soit, rien ne me réussit. » L’attachement, tout de tendresse, qui le liait le plus souvent au parent du sexe opposé au sien, n’a pas pu résister à la déception, à la vaine attente de satisfaction, à la jalousie causée par la naissance d’un nouvel enfant, cette naissance étant une preuve évidente de l’infidélité de l’aimé ou de l’aimée ; sa propre tentative, tragiquement sérieuse, de donner lui-même nais­sance à un enfant a échoué piteusement ; la diminution de la tendresse dont il jouissait autrefois, les exigences croissantes de l’éducation, les paroles sérieu­ses qu’il se voyait adresser et les punitions qu’on lui faisait subir à l’occasion ont fini par lui révéler toute l’étendue du dédain qui était désormais son lot. Cet amour typique de l’époque infantile se termine selon un certain nombre de modalités qui reviennent régulièrement.

Sigmund Freud, Au-delà du principe de plaisir

mardi 13 juin 2017

On semble demander à la psychologie non pas des progrès dans le savoir mais on ne sait quelle autre satisfaction : on lui fait un reproche de chaque problème non résolu, de chaque incertitude reconnue.

Sigmund Freud, Nouvelles conférences d'introduction à la psychanalyse

vendredi 9 juin 2017

J’aurais aimé pouvoir dire que je n’oriente pas les patients, mais ce n’est pas vrai. Un analyste commet une grande erreur en imaginant le contraire. Théoriquement, vous laissez aux patients suffisamment d’espace pour qu’ils racontent tout ce qu’ils veulent. Or, à vrai dire, votre simple présence déforme l’essentiel de la situation. Ils n’ont qu’à vous jeter un coup d’œil pour décider s’ils sont prêts à vous parler, ou s’ils ne le feront jamais, quelles que soient les circonstances.

Wilfred R. Bion, Quatre discussions avec Bion

jeudi 8 juin 2017

Au cours d'un colloque où il était déjà question de contre-transfert, à la formule alors réitérée : "le contre-transfert, c'est quand nous sommes touchés au vif" (formule dont il n'est pas indifférent qu'elle soit construite sur le modèle du "parapluie, c'est quand il pleut"), je m'entendais répondre : "Pas du tout, c'est quand nous sommes touchés au mort."

J.-B. Pontalis, Le vif et le mort entrelacés

mercredi 7 juin 2017

L'exploration de l'angoisse reste la vraie tâche de l'analyse.

Georges Favez, Etre psychanalyste

mardi 6 juin 2017

L'angoisse peut encore se dire, se monnayer en formation de symptôme, se moduler en représentations et fantasmes, ou se décharger dans l'agir. Il arrive qu'elle soit contagieuse ; la douleur, elle, n'est qu'à soi.

J.-B. Pontalis, Entre le rêve et la douleur

vendredi 2 juin 2017

La seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement, et cependant c’est la plus grande de nos misères. Car c’est cela qui nous empêche principalement de songer à nous, et qui nous fait perdre insensiblement. Sans cela nous serions dans l’ennui, et cet ennui nous pousserait à chercher un moyen plus solide d’en sortir, mais le divertissement nous amuse et nous fait arriver insensiblement à la mort.

Blaise Pascal, Pensées

jeudi 1 juin 2017

Pour environ trois séances, l'ensemble de la psychanalyse est très utile - puisque vous ne savez absolument rien de plus, c'est tout ce sur quoi vous pouvez compter de toute façon. Seulement, ce n'est utile que parce que cela doit vous permettre de dire quelque chose d'adéquat à la personne en question, en attendant de savoir avec qui vous êtes en train de parler.

Wilfred R. Bion, Quatre discussions avec Bion