Cet inquiétant familier n'est vraiment rien de neuf ou d'étranger, mais une chose à laquelle la vie de l'âme est accoutumée depuis toujours et que seul le processus du refoulement a éloignée d'elle.
Sigmund Freud, L'inquiétant familier
[L'école anglaise de psychanalyse, partiellement issue de et fort influencée par Melanie Klein,] a mis en évidence la double dimension, fantasmatique et symbolique, dans les groupes. Par exemple, la situation de groupe directif développe chez les sujets l'ambivalence envers l'autorité, tandis que la situation non directive provoque une régression plus archaïque, préœdipienne, avec une accentuation des angoisses de morcellement, de persécution et de dépression dont on peut ainsi découvrir qu'elles étaient d'ailleurs latentes en tout groupe. Le “climat” d'un groupe, réel ou artificiel, ses productions ou son incapacité à produire, sont liés aux résonances ou aux discordances fantasmatiques sous-jacentes. L'intervention psychanalytique vise à rendre les membres de ce groupe sensibles à l'articulation ou aux heurts de leurs fantasmes, soit pour pour les en dégager, soit pour y puiser les ressources psychologiques inconscientes reprises pour une entreprise commune.
Didier Anzieu, Introduction in Groupes : psychologie sociale clinique et psychanalyse, numéro spécial du Bulletin de psychologie
En définitive on peut considérer le groupe comme un microsystème psychosocial situé dans un cadre matériel et culturel. Ses deux faces, externe et interne, sont fortement intriquées ; les processus qui s'y déroulent relèvent d'une dialectique du désir et de la loi ; si celle-ci l'emporte, c'est le règne d'un formalisme ritualisé ; dans le cas inverse peut survenir une sorte de délire commun. Ces processus traduisent aussi le double travail de la conscience et de l'inconscient à travers le jeu des pulsions, des tensions et des régulations.
Jean Maisonneuve, La dynamique des groupes
[...] sur le plan de la logique de l'inconscient, il ne suffit pas que P soit vrai pour que je sois en droit d'affirmer que P est la conséquence de q. On a dit beaucoup de sottises sur les causes des névroses et des psychoses, en utilisant à tort des « foncteurs de vérité » comme : à cause de, afin de, dans le but de, etc. Ferenczi a montré que l'attitude confrontative permet d'éviter le recours à des explications dont l'histoire ultérieure de la psychanalyse a montré qu'elles pouvaient être abusivement généralisées.
Prenant ici le parti de Ferenczi, je citerai quelques exemples d'assertions péremptoires et sidérantes :
Le préconscient a une dimension groupale, ou plus exactement il serait une instance transitionnelle mettant en rapport les représentations déléguées de la pulsion et les représentations sociales.
Jean-Claude Rouchy et Monique Soula Desroche, Institution et changement, processus psychique et organisation
Un malentendu peut survenir dans une discussion du fait qu'une personne qui parle appartient au type pensant et verbalisant, tandis que l'autre appartient au type qui hallucine dans le champ visuel ou auditif au lieu d'exprimer son self par des mots. D'une certaine façon les gens qui sont dans les mots ont tendance à s'affirmer sain d'esprit, et ceux qui ont des visions ne savent pas comment défendre leur position quand ils sont accusés de folie. L'argument logique appartient réellement à ceux qui verbalisent. Le sentiment ou une impression de certitude ou de vérité ou de "réel", appartient aux autres.
Donald W. Winnicott, La pensée chez l'enfant : un autre éclairage
Dans la vie psychique de l'individu pris isolément, l'autre intervient très régulièrement en tant que modèle, soutien et adversaire, et de ce fait la psychologie individuelle est aussi, et d'emblée et simultanément, une psychologie sociale, en ce sens élargi mais parfaitement justifié.
Sigmund Freud, Psychologie des foules et analyse du Moi
Le complexe d'Œdipe simple n'est pas celui qui s'observe le plus fréquemment, mais correspond à une simplification et schématisation voulue [...]. Une recherche plus approfondie permet le plus souvent de découvrir le complexe d'Œdipe sous une forme plus complète ; sous une forme double, à la fois positive et négative en rapport avec la bisexualité originelle de l'enfant. Il se peut que l'ambivalence constatée dans les rapports avec les parents s'explique, d'une façon générale, par la bisexualité, au lieu de provenir, ainsi que je l'avais supposé précédemment, de l'identification à la suite d'une attitude de rivalité.
Sigmund Freud, Le Moi et le Ça
Assurément le groupe est une totalité, un espace psychique spécifique dans lequel des processus et des formations typiques se produisent. Mais, et je le répète car il me semble que nous perdons quelquefois de vue cette conséquence, à ne considérer que cette dimension du groupe, sans l'articuler avec les deux autres, qu'il contient, celui du lien intersubjectif et celui du sujet, alors nous risquons de faire de celui-ci un « élément » et une simple variable d'un « processus sans sujet », et finalement de lui interdire l'accès à sa propre subjectivité et à sa capacité à l'assumer.
René Kaës, La parole et le lien
Dans les variantes de la normalité, la dépression comme « déprime », comme mal-être psychologique, peut être facteur de créativité ou d'auto-analyse. Ainsi Pierre Fédida a écrit Les bienfaits de la dépression (2001) comme épreuve de vérité, source de travail psychique, effet de subjectivation dans le rapport de soi à soi. Elle peut favoriser la prise de conscience de l'existence en soi de l'intériorité et de l'insatisfaction d'un mode de vie polarisé par l'actuel et l'action, dans et pour la méconnaissance de soi. La dépression serait « la mise en conservation du vivant sous une forme inanimée ».
Bernard Brusset, Psychanalyse et neurobiologie : l'actuelle croisée des chemins