samedi 29 octobre 2011

Ce qui en principe, alors, demeure commun à tous les psychanalystes, c’est d'une part la reconnaissance et l'expérience personnelles de l’inconscient et, d'autre part, le soupçon systématique porté à toute expression, tout acte issus de lui-même ou de l'autre et la nécessité constante de les confirmer, récuser ou réinterroger à la lumière de cette double exigence. Double exigence qui fait leur spécificité, les distingue absolument de tous les autres praticiens de la psychothérapie et les ramène chacun à se retrouver "en dernière analyse" monade parmi toutes les autres, seul maître à bord, seul juge de lui-même, même si, comme tous ses confrères, il lui faut, sa vie durant, parler à d'autres, réfléchir avec d'autres de ses doutes, ses interrogations, ses trouvailles, ses convictions actuelles issues de cette pratique à nulle autre pareille. Qu'on l'appelle exigence de vérité, désir spécifique de l'analyste, ce qui le porte, ce à quoi il croit, c'est à une telle éthique, qui n’est pas celle de l'aide immédiate  de la priorité accordée à la disparition des symptômes. L'absolu de son exigence - et c’est à lui seul qu'il appartient d'en évaluer l'aune - n'a pour seule limite que l'obligation de ne pas nuire. La pratique de la cure implique une technique, mais plus ou moins imprégnée d'empirisme et d'improvisation où jouent tout autant l'expérience que l'inventivité. C’est un art en sa double acception de savoir-faire, fonction du tempérament propre de l'analyste, et d'un ensemble de connaissances et de règles d'action. Celui-ci dépend de ses options, selon l'école dont il est issu ou, plus simplement et plus directement, de son imprégnation par ses superviseurs, de la pensée des auteurs qu'il a privilégiés, jusqu'à s'être ainsi constitué, "bricolé", sa petite métapsychologie personnelle, elle-même en fonction de sa personnalité, de ses rencontres, du type de patients et des problèmes auxquels il se voit confronté.

Raymond Cahn, La fin du divan ?