mercredi 23 décembre 2015

Je crois que l’espoir véritable, celui qui nous travaille en profondeur, est toujours lié à une réponse mise entre parenthèses. Je crois que c’est attendre beaucoup de son prochain que d’espérer qu’il saura enfin trouver sa dignité dans le déséquilibre de la question et non plus dans une réponse qui le fige et nous fige.

Edmond Jabès, Du désert au livre

lundi 21 décembre 2015

[...] nous pouvons, bien sommairement il est vrai, définir en ces termes les buts que poursuit cet acte de parole si particulier que l’on nomme interprétation :

1. Toute interprétation, par son contenu manifeste ou par les associations qu'elle induit, vise à poser, à faire découvrir, une nouvelle relation causale entre des « effets » (les symptômes, phénomènes définissables par ce caractère commun qu’ils partagent : soit cette « souffrance névrotique » dans laquelle Freud voyait, avec raison, la motivation de la demande d’analyse) effets et éprouvés qui font partie d’un connu ou d’un connaissable par le sujet, et une cause (le désir inconscient) qui, sans analyse, resterait inconnaissable, non nommable.
Ajoutons que cette interprétation vient se substituer à « un déjà interprété » par le Je. Interpréter ce qui est cause de lui, du monde, de ses désirs, de ses souffrances, le Je n’a jamais fait autre chose. On peut même ajouter que la demande d’analyse surgit au moment où ce « déjà interprété » (ou cette causalité névrotique) vient tout à coup faire question à l’interprétant, au moment où ses liaisons causales lui font retour sous la forme d’une question et d’une question qu’il ne peut, sans risques majeurs pour son fonctionnement psychique, laisser sans réponse, mettre au silence.

2. La relation causale que pose l’analyse entre ces « effets » qui viennent bousculer ce bel ordre syntaxique auquel le Je faisait jusque-là recours pour conjuguer ses différents temps des verbes être, avoir, aimer, bousculement et « basculement » dont le Je a une connaissance car ils s’inscrivent dans sa chair, dans sa sexualité, dans son discours, et une cause jusque-là à l’abri de tout dévoilement, de toute nomination, cette nouvelle liaison causale est la création, l’apport d’une nouvelle signification-relation causale que l’on doit à l’analyse.

3. Cette découverte d’une nouvelle causalité non seulement n’emprunte rien à la répétition, mais représente ce qui vient s’opposer, casser ces mouvements régrédients ou ces points de fixation qui obligeaient le sujet à répéter, retrouver, s’engouffrer, dans les mêmes impasses, dans les mêmes voies sans issue. Or si cette action est possible c’est que l’interprétation comporte un pouvoir de transformation sur l’affect dont elle « nomme » la cause. Modification de la relation du sujet à cet affect parce que modification de la relation du Je à cette partie de lui-même qui est effectivement en butte à l’action, à la pression qu’exercent des forces agissantes dans son propre Ça.

4. Cette modification se veut « orientée ». Il ne s’agit pas d’un « transformer » qui se ferait preuve du pouvoir narcissique du sujet supposé savoir, ou du tout pouvoir de ce « savoir » si souvent demandé parce que devenu pur emblème narcissique. Cet acte de parole, cette visée de transformation, se veut au service des « intérêts du moi » ou « du principe de réalité et de son exigence de vérité » (si on privilégie les formulations choisies par Freud) ou encore disons que l’interprétation espère aboutir à un remaniement des alliances, des intrications pulsionnelles. Elle propose une autre solution au conflit pulsionnel et au conflit identificatoire. (Ajoutons en corollaire que la présence de cette visée, faute de laquelle l’analyse n’est plus qu’un jeu de société, une escroquerie ou un bluff, implique que l’analyste n’est pas neutre face aux buts respectivement choisis par Éros et Thanatos. Dans le conflit qui oppose ces deux forces il a fait son choix, il faut espérer que la haine, le mépris, la dérision, n’y ont pas la première place).

5. L’analyse, comme l’interprétation, se donnent comme but une transformation orientée de l’économie libidinale et des repères identificatoires, une autre répartition des investissements objectaux et narcissiques du Je. Cette transformation trouve sa « voie royale » dans l’interprétation. Cette dernière concerne toujours le registre causal, comme je l’ai dit, elle est création d’une nouvelle relation de cause à effet, elle agit par là sur cet inconnaissable qu’était l’affect et ses représentations, celles dont Freud disait qu’elles ignorent la parole et ne connaissent que « le langage pictural » (Freud, L’interprétation des rêves).

Piera Aulagnier, Les mouvements d'ouverture dans l'analyse des psychoses

jeudi 17 décembre 2015

[...] il me paraît indispensable de rappeler que les buts de la psychanalyse ne se réduisent ni à la libération des désirs refoulés ni au décentrement du fonctionnement psychique par rapport à un Moi préconscient ou inconscient, calculateur et défensif, mais qu'ils comportent la diminution des idéaux narcissiques de toute-puissance, de domination et de séduction et une place plus grande, plus sûre, faite aux idéaux de bonheur partagé, de liberté, de justice, d'attention portée à autrui.

Didier Anzieu, Une peau pour les pensées. Entretiens avec Gilbert Tarrab

mercredi 16 décembre 2015

Ils ont appris à supporter une part de vérité.

James J. Putnam, On Freuds Psycho-Analytic Method and its Evolution cité par Sigmund Freud, Contribution à l'histoire du mouvement psychanalytique

mardi 15 décembre 2015

L’inconscient est pavé d’oxymores (à la fois – justement – des bonnes et des mauvaises intentions), au point que Freud ne fait pas de différence entre le oui et le non d’un patient, ou que le sacré et l’impur se confondent dans un même « tabou » du toucher. D’ailleurs la figuration par le renversement contraire est un moyen classique qu’emploie le rêve pour déguiser des représentations qui autrement réveilleraient le rêveur en sursaut.

Entretien avec Michel Gribinski sur le site des éditions Gallimard

lundi 14 décembre 2015

Le souvenir falsifié est le premier dont nous ayons connaissance ; le matériel des traces mnésiques à partir duquel il a été forgé nous est resté inconnu dans sa forme originelle.

Sigmund Freud, Sur les souvenirs-écrans

jeudi 10 décembre 2015

Entre mouvements et immobilité, bon vent et vents contraires, tempêtes et bonace, la traversée se poursuit, pour peu que l'embarcation et ses passagers tiennent le coup.

J.-B. Pontalis, Ce temps qui ne passe pas

lundi 7 décembre 2015

Confronté à la roche, le ruisseau l'emporte toujours, non par la force, mais par la persévérance.

Confucius

vendredi 4 décembre 2015

Où finit le corps sinon où l'autre corps à lui se fait sentir ?

Paul Claudel, La cantate à trois voix

jeudi 3 décembre 2015

Il ne faut pas penser à l'objectif à atteindre, il faut seulement penser à avancer. C'est ainsi, à force d'avancer, qu'on atteint ou qu'on double ses objectifs sans même s’en apercevoir.

Bernard Werber, La révolution des fourmis

mercredi 2 décembre 2015

Nous avons tous une identité multiple. Personne n'a envie d'être réduit à soi.

J.-B. Pontalis, Propos recueillis par Marine Landrot, Télérama, août 2009

mardi 1 décembre 2015

Soyez vous-même, tous les autres sont déjà pris.

Oscar Wilde