mercredi 12 février 2020

Langage de l’Infantile

Dans l’écoute assistée des cures analytiques d’enfants, j’ai maintes occasions de réfléchir à la difficulté, pour l’adulte, de retrouver un contact authentique avec le langage de l’enfant pour se laisser guider par lui vers le travail de communication de l’analyse. Le langage spontané de l’enfant est plus infiltré par les processus primaires que ne l’est le langage habituel de l’adulte ; il s’entre-tisse davantage avec le jeu et l’action dans la vie quotidienne et, a fortiori, dans l’analyse, ce qui contribue à le maintenir en contact étroit avec les composantes fantasmatiques et représentatives du processus de pensée. Or comme je l’ai développé dans le premier chapitre de cet ouvrage, il ne faut pas sous-estimer la valeur d’excitation sexuelle que constitue, pour l’adulte, le langage enfantin.
Face à une telle séduction, l’adulte n’aura pas toujours le choix des moyens pour se défendre : sa névrose guidera ses réactions contre-transférentielles, qu’il lui sera plus facile encore de rationaliser que dans une cure d’adulte, en projetant sur l’enfant sa propre ignorance maladroite.
Par exemple, Freud prend la peine d’intégrer dans son récit de la cure le récit du père de Hans quant à l’admiration exprimée par le petit garçon devant la blancheur du torse paternel. Cependant, personne ne semble repérer, derrière cette admiration narcissisante pour le père, le désarroi éprouvé par l’enfant à propos de la perte du sein maternel désormais consacré à sa petite sœur, et la tentative évidente de déplacement sur le père d’un investissement du premier objet maternel. On constate là l’effet de refoulement à l’œuvre dans le contre-transfert : l’analyste rapporte un matériel dont il ignore qu’il ignore le sens – en l’occurrence, la valence maternelle homosexuelle du transfert.

Florence Guignard, Au vif de l'infantile, aujourd'hui