jeudi 6 septembre 2018

La sexualité infantile

Par son investigation étiologique, la psychanalyse se mit en situation de s'occuper d'un thème dont l'existence avait été à peine présumée avant elle. On s'était habitué en science à faire commencer la vie sexuelle avec la puberté, et l'on avait jugé les manifestations de la sexualité infantile comme des signes rares de précocité anormale et de dégénérescence. Et voici que la psychanalyse dévoilait une abondance de phénomènes aussi singuliers que réguliers, par lesquels on se voyait contraint de faire coïncider le début de la fonction sexuelle chez l'enfant presque avec le commencement de la vie extra-utérine, et l'on se demanda avec étonnement comment il avait été possible de fermer les yeux sur tout cela. Les premières vues sur la sexualité infantile ont certes été acquises par l'investigation analytique d'adultes, et par conséquent affectées de tous les doutes et sources d'erreur qu'on pouvait attendre d'une rétrospection si tardive, mais lorsque plus tard (à partir de 1908) l'on commença d'analyser et d'observer sans préjugé des enfants eux-mêmes, on acquit la confirmation directe de tout le contenu concret de la nouvelle conception.

La sexualité infantile montrait à maints égards un autre tableau que celle des adultes et surprenait par de nombreux caractères relevant de ce qui était condamné chez les adultes comme « perversion ». Il fallut élargir le concept du sexuel jusqu'à ce qu'il englobe plus que la tendance à l'union des deux sexes dans l'acte sexuel ou à la provocation de sensations de plaisir particulières aux organes génitaux. Mais cet élargissement trouva sa récompense dans le fait qu'il devint possible de comprendre la vie sexuelle infantile, normale et perverse, à partir d'un ensemble.

L'investigation analytique conduite par l'auteur tomba tout d'abord dans l'erreur de surestimer largement la séduction comme source des manifestations sexuelles infantiles et germe de la formation de symptôme névrotique. On réussit à triompher de cette illusion lorsque se fit reconnaître dans la vie psychique des névrosés le rôle extraordinairement grand de l'activité fantasmatique, qui, pour la névrose, était manifestement plus déterminante que la réalité extérieure. C'est derrière ces fantasmes qu'apparut alors le matériel permettant de donner la description suivante du développement de la fonction sexuelle.

Sigmund Freud, "Psychanalyse" et "Théorie de la libido"