vendredi 1 juin 2018

L'idée que les pensées et les sentiments de l'analyste sont à chaque fois contextualisés et, par conséquent, modifiés par notre vécu du patient pourrait donner à croire que tout ce que l'analyste pense et éprouve serait à ranger du côté du contre-transfert. J'estime cependant que l'emploi du terme contre-transfert, pour renvoyer à tout ce que l'analyste pense, éprouve ou vit à travers ses sens, occulte la simultanéité de la dialectique entre l'unicité et la dualité, la subjectivité individuelle et l'intersubjectivité - à savoir le fondement même de la relation analytique. Dire que tout ce que vit l'analyste relève du contre-transfert n'est que le constat d'une évidence : nous sommes tous empêtrés dans notre subjectivité. Si nous voulons que le concept de contre-transfert signifie un peu plus que l'obvie, il nous faudra sans cesse le replacer dans le mouvement dialectique entre l'analyste comme entité séparée et l'analyste comme création de l'intersubjectivité analytique. Aucun de ces deux "pôles" de la dialectique n'existe sous une forme pure, et il nous incombe d'aboutir à des formulations chaque fois plus fines sur la nature spécifique, à tel ou tel moment, de la relation entre les vécus du sujet et de l'objet, entre le contre-transfert et le transfert.

Thomas H. Ogden, Les Sujets de l'analyse