jeudi 26 octobre 2017

J’utiliserai cette comparaison : un individu postule à un emploi de fonctionnaire en déposant sa demande au service du personnel au premier étage. Quelque temps plus tard, il veut savoir ce qu’est devenue sa demande et se rend dans ce même bureau. Le dossier n’y est plus. On lui dit qu’il se trouve peut-être dans un bureau du troisième ou du quatrième étage, mais personne ne saurait dire lequel exactement. Quelques semaines plus tard, on informe le postulant que son document est arrivé au neuvième étage. Pendant les semaines qui suivent, il court généralement d’un service à l’autre. S’il a de la chance, il finira par découvrir que sa demande est en route pour le quatorzième étage où l’on pourra décider de son sort.

Le développement d’une idée inconsciente est similaire à ce genre de procédure, contrairement à celui d’une pensée consciente ou d’une réflexion logique. Il faut beaucoup de temps au dossier pour passer du premier au quatorzième étage, bien qu’un ascenseur fasse ce même trajet en une minute. En chemin, se produisent de mystérieux ralentissements ou des accélérations, selon que les personnes intéressées intercèdent, brouillent les cartes ou tirent des ficelles secrètes. De la même manière, des agents inconnus favorisent ou retardent le développement du processus mental inconscient.

Theodor Reik