lundi 2 février 2015

Faux, le lieu commun affirmant qu'avoir pour analyste un homme ou une femme n'importe guère, n'a pas d'incidence sur le mode de transfert. Un homme en analyse avec un homme, une femme avec une femme, cela fait inévitablement surgir la question de l'homosexualité, cela la rend présente. R. allongé sur le divan, l'analyste homme derrière lui : passivité identifiée à la soumission homosexuelle. Il se pourrait que la relation de séduction réciproque mère-enfant soit transposée dans la relation père-fils, la première ayant une fonction prototypique au point que je ne puisse me représenter tout autre lien affectif que sur le modèle de celle-ci.

Un femme avec une analyste femme (par définition je n'en ai pas l'expérience directe, mais j'en ai quelque idée par les supervisions). Le lien si puissant entre mère et fille, si passionnel où amour et haine sont inextricablement mêlés, un lieu où je vois la matrice de toute passion, est nécessairement ravivé. La même femme en analyse avec un homme va chercher à se dégager de cette relation d'emprise mutuelle. Et alors il arrive que l'analyste, plutôt que de tenir l’emploi d'une figure paternelle (ce qu'il est convenu d'appeler la fonction du tiers) "fasse la mère", mais une mère qui se voudrait toute de bienveillante tendresse, non dangereuse, quasiment asexuée.

Difficulté pour l'analyste : avoir en même temps sa propre identité sexuelle, affirmée et une identité psychanalytique flottante, vacillante au point de pouvoir dire, ou à tout le moins laisser entendre, à son patient : "Qu'est-ce qui vous garantit que je suis un homme ?" (ou une femme).

J.-B. Pontalis, En marge des jours