jeudi 21 août 2014

J'ai distingué six fonctions du cadre.

- La première est la fonction contenante décrite par Bleger lorsqu'il dit que le cadre est "récepteur de la symbiose", contient la "partie psychotique de la personnalité". A l'intérieur de cette première fonction, nous pouvons distinguer la contenance comme réceptacle ou comme contrainte, le dépôt, soit pure et simple consignation, soit lieu où l'on entrepose certains objets pour les conserver ou mettre à l'abri, et la crypte, qui reçoit le caché et l’archaïque.

- La deuxième fonction, de limitation, assure la distinction entre le "moi" et le "non-moi". Le cadre est le garant des limites du sujet, de son espace corporel et psychique.

- La troisième fonction du cadre est transitionnelle : frontière entre le moi et le non-moi, le cadre articule le dedans et le dehors, le cadre participe de cet espace qu'a conceptualisé Winnicott, où règnent la paradoxalité et l'indécidabilité. Trouvé-créé, le cadre n'est ni subjectivement conçu, ni objectivement perçu. Un des problèmes conséquents est celui du maintien de la dimension contractuelle du cadre confronté avec celui de son adéquation et de son aménagement. Ce problème définit en partie le contenu de ce que j'ai nommé analyse transitionnelle.

- Le cadre accomplit une quatrième fonction d'adossement et d'étayage, sur le modèle de l'appui sur l'objet d’arrière-plan ; les travaux de J. Grostein, J. Sandler et G. Haag ont mis en évidence le rôle de cet objet dans la formation du sentiment de sécurité et d'identité.

- La cinquième fonction est celle du "conteneur" : elle correspond à la fonction de figuration et de transformation des représentations d'objets et des affects en représentation de mots qui sont rendues possibles par le cadre.

- Lorsque ces cinq conditions sont remplies, le cadre peut exercer une sixième fonction, symbolisante, condition majeure de la formation de la pensée.

René Kaës, Un singulier pluriel