Le moment est maintenant venu d’étudier les forces mises en branle dans le traitement. Le moteur principal de ce dernier est la souffrance du patient d’où émane son désir de guérison. Différents facteurs peuvent concourir à affaiblir ces forces, des facteurs qui ne se révèlent qu’au cours des analyses. Le principal d’entre eux est ce que nous appelons le « bénéfice secondaire » de la maladie ; toutefois la force instinctuelle elle-même doit se maintenir jusqu’à la fin du traitement ; toute amélioration en provoque la décroissance. Mais cette force motrice est impuissante, à elle seule, à vaincre la maladie car deux choses lui manquent pour cela : la connaissance des voies à suivre pour aboutir au but désiré et l’insuffisance quantitative des énergies indispensables, à opposer aux résistances. Le traitement analytique remédie à ces deux déficiences. En utilisant les énergies toujours prêtes à être « transférées », il fournit les quantités d’affects nécessaires à la suppression des résistances et, en éclairant, au moment voulu, le malade, l’analyse indique à celui-ci la voie dans laquelle il doit engager ses énergies. Assez souvent le transfert suffit, à lui seul, à supprimer les symptômes morbides, mais cela temporairement et tant qu’il dure seulement. En pareil cas le traitement ne peut être qualifié de psychanalyse, il ne s’agit plus que de suggestion. Le nom de psychanalyse ne s’applique qu’aux procédés où l’intensité du transfert est utilisée contre les résistances. C’est alors seulement que l’état morbide ne peut plus exister, même lorsque le transfert est liquidé comme du reste sa fonction l’exige.
Un autre facteur joue également son rôle dans le traitement : l’intérêt intellectuel suscité chez le patient, sa compréhension. Toutefois ce facteur entre à peine en ligne de compte en regard des autres forces engagées dans la lutte, étant donné qu’il est continuellement menacé de succomber, sous l’influence des résistances, à des troubles du jugement. En somme, transfert et prise de connaissance (par l’explication), telles sont les sources d’énergies nouvelles dont le patient reste redevable à l’analyste. Toutefois le patient ne fait usage de ses nouvelles lumières que dans la mesure où l’y incite le transfert et c’est là la raison qui oblige l’analyste à attendre qu’un puissant transfert soit établi pour donner ses premiers éclaircissements et même, dirons-nous, que ce transfert ait cessé d’être perturbé par toutes les résistances qui s’opposent à lui, les unes après les autres.
Sigmund Freud, Le début du traitement