Le contrat narcissique a comme signataire l’enfant et le groupe. L’investissement de l’enfant par le groupe anticipé sur celui du groupe par l’enfant. […] Dès sa venue au monde, le groupe investit l’infans en tant que voix future à laquelle il demandera de répéter les énoncés d’une voix morte et de garantir ainsi la permanence qualitative et quantitative d’un corps qui s’autorégénérerait de manière continue. Quant à l’enfant, il demandera, en contrepartie de son investissement du groupe et de ses modèles, qu’on lui assure le droit à occuper une place indépendante du seul verdict parental, qu’on lui offre un modèle idéal que les autres ne peuvent renier, sans par là même renier les lois de l’ensemble, qu’on lui permette de garder l’illusion d’une persistance atemporelle projetée sur l’ensemble et, avant tout, sur le projet de l’ensemble que ses successeurs sont supposés reprendre et préserver.
Piera Aulagnier, La violence de l'interprétation