mercredi 29 février 2012

La psyché est étendue, n’en sait rien.

Sigmund Freud, Abrégé de psychanalyse

mardi 28 février 2012

Un commencement est un moment d'une délicatesse extrême.

Frank Herbert, Dune

lundi 27 février 2012

On souffre du non-approprié de notre histoire et on guérit en symbolisant, en rejouant.

Entretien avec René Roussillon, Regards sur la souffrance, Revue Gestalt n° 30, 2006

dimanche 26 février 2012

Cette ronce qui me barre la route, quelle vie !

Frère Daniel, Secondes

samedi 25 février 2012

Il n'est rien dans la structure de l'homme qui le prédispose à s'occuper de psychanalyse.

Sigmund Freud, Lettre à Ludwig Binswanger, 1911

vendredi 24 février 2012

Nulle part, on ne nous enseigne à nous comprendre les uns les autres.

Edgar Morin

jeudi 23 février 2012

J'ai débuté longtemps.

Jacques Brel

mercredi 22 février 2012

C'est dans nos habitudes et non pas dans la nouveauté que nous trouvons nos plus grands plaisirs.

Raymond Radiguet

mardi 21 février 2012

Le contrat narcissique a comme signataire l’enfant et le groupe. L’investissement de l’enfant par le groupe anticipé sur celui du groupe par l’enfant. […] Dès sa venue au monde, le groupe investit l’infans en tant que voix future à laquelle il demandera de répéter les énoncés d’une voix morte et de garantir ainsi la permanence qualitative et quantitative d’un corps qui s’autorégénérerait de manière continue. Quant à l’enfant, il demandera, en contrepartie de son investissement du groupe et de ses modèles, qu’on lui assure le droit à occuper une place indépendante du seul verdict parental, qu’on lui offre un modèle idéal que les autres ne peuvent renier, sans par là même renier les lois de l’ensemble, qu’on lui permette de garder l’illusion d’une persistance atemporelle projetée sur l’ensemble et, avant tout, sur le projet de l’ensemble que ses successeurs sont supposés reprendre et préserver.

Piera Aulagnier, La violence de l'interprétation

lundi 20 février 2012

Le but de l'analyse est que le sujet devienne capable d'assumer sa solitude et de se livrer à des liens avec les autres.

Julia Kristeva, Une athée en éveil, Actualité des religions n° 41, septembre 2002

dimanche 19 février 2012

Le psychisme humain repose sur trois principaux piliers : la sexualité infantile, la parole et les liens intersubjectifs. Tel est le postulat de mes recherches, et je suppose qu'il peut être partagé par de nombreux psychanalystes. J'ajoute que ces trois piliers de fondation sont en étroite relation : la longue dépendance initiale du nouveau-né, due à de sa prématuration à la naissance, en est le lieu géométrique, elle infléchit sa sexualité, ses liens et son accès à la parole et au langage. La parole et le langage viennent à l'infans (celui qui ne parle pas) marqués par le refoulement de sa sexualité infantile et par les conditions intersubjectives dans lesquelles son environnement premier - la mère - les lui apporte en lui transmettant ses propres contenus inconscients et son propre refoulement : ces conditions sont à la fois subjectives (la psyché maternelle) et intersubjectives (la rencontre entre celle-ci et celle de l'infans). Corrélativement, le lien intersubjectif s'inscrit dans la sexualité et dans la parole et il les marque de ses effets. Sexualité, parole et lien concourent de manière distincte et fondamentale à la formation de l'inconscient du sujet et à la construction de son Je. Du même mouvement, ces trois piliers concourent à la formation de la réalité psychique inconsciente du lien intersubjectif.

René Kaës, Un singulier pluriel

samedi 18 février 2012

Pensée onirique de la veille : la pensée est une potentialité de la psyché qui n’est pas présente d’emblée. Elle est le fruit de divers processus que l’on pourrait schématiser ainsi : éléments bêta (β) -> éléments alpha (a) -> pensée onirique de la veille -> pensée. Les éléments β, à savoir les données sensorielles et les émotions dénuées de sens, peuvent être évacuées par identification projective en tant que « vécus bruts » mais ne peuvent être disponibles à la pensée. Pour cela, il est nécessaire que la fonction a les transforme en éléments β, leur donnant un sens. Cela est possible pour le nourrisson grâce à la rencontre avec une mère qui, par sa capacité d’élaboration mentale et affective, reçoit, contient et donne sens aux expériences. Ces éléments a pourront être mémorisés, devenir inconscients, servir aux matériaux du rêve. Ils constituent par leur mise en séquence la pensée onirique de la veille. A. Ferro considère ces éléments a comme les éléments psychiques élémentaires, sorte de briques de la pensée inconsciente de la veille et de briques des pensées tout court. La pensée onirique de la veille, constituée par cette mise en séquence des éléments a, s’effectue, instant par instant, lors de toute activité diurne. Cette pensée onirique de la veille n’est pas formée à partir de symboles préfixés mais elle est conçue comme une synthèse en images (essentiellement visuelles), unique, poétique, du perçu-vécu, propre à chaque instant de relation à soi et au monde.

Diana Messina Pizzutti, Entretien avec Antonino Ferro

vendredi 17 février 2012

Le cœur a ses raisons que la raison n'ignore pas.

Antonio Damasio, L’erreur de Descartes : la raison des émotions

jeudi 16 février 2012

Introjection

Tandis que le paranoïaque expulse de son moi les tendances devenues déplaisantes, le névrosé cherche la solution en faisant entrer dans son moi la plus grande partie possible de son monde extérieur, en en faisant l'objet de fantasmes inconscients. On peut donc donner à ce processus, en contraste avec la projection, le nom d'introjection.

Sándor Ferenczi, Introjection et transfert

mercredi 15 février 2012

Peut-être tous les dragons de notre vie sont-ils des princesses qui attendent, simplement, de nous voir un jour beaux et vaillants. Peut-être tout l'effroyable est-il, au plus profond, ce qui, privé de secours, veut que nous le secourions.

Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète

mardi 14 février 2012

Un bon analyste doit pratiquer, au risque de la folie, comme un bon officier commande au péril de sa vie.

Gérard Bléandonu, Wilfred R. Bion : la vie et l’œuvre, 1897-1979

lundi 13 février 2012

Le groupe est une réalité antérieure à la différence des sexes.

Didier Anzieu, Le Moi-peau

dimanche 12 février 2012

Il y a une tendance étonnante chez certains psychanalystes à penser que la référence au monde du bébé relève d'une forme de psychologie expérimentale de bas étage qui ne mériterait pas d'être prise en compte en psychanalyse, c'est là gravement méconnaître la clinique du bébé et de l'émergence de la subjectivité.

René Roussillon, Le concept du maternel primaire

samedi 11 février 2012

Que celui qui n’a pas traversé ne se moque pas de celui qui s’est noyé.

Proverbe africain

vendredi 10 février 2012

Je revenais des autres chaque fois guéri de moi.

Andrée Chedid, Visage premier

jeudi 9 février 2012

Les processus du système inconscient sont intemporels, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas ordonnés dans le temps, ne sont pas modifiés par l'écoulement du temps, n'ont absolument aucune relation avec le temps.

Sigmund Freud, Métapsychologie

mercredi 8 février 2012

C'est en ce double mouvement que l'individu et le groupe s'articulent : intériorisation des normes et des valeurs et individuation toujours inachevée, laissant en chacun de nous la marque incorporée de processus primaires, de pulsions archaïques partagés dans l'indistinction, la fusion, la symbiose, par les membres d'un groupe à leur insu.

Jean Claude Rouchy, Le groupe, espace analytique

mardi 7 février 2012

Le paradoxe de la condition humaine, c'est qu'on ne peut devenir soi-même que sous l'influence des autres.

Boris Cyrulnik, Les nourritures affectives

lundi 6 février 2012

Le concept de collusion

Un jeu commun inavoué, gardé mutuellement secret, entre deux ou plusieurs partenaires, sur la base d'un conflit profond de même nature qui n'a pas été résolu. Le conflit fondamental non résolu est exprimé dans des rôles différents qui font naître l’impression de l'un des partenaires est exactement le contraire de l'autre, alors qu'il ne s'agit là que de variantes polarisées du même comportement.

Jürg Willi, La relation de couple. Le concept de collusion

dimanche 5 février 2012

Les gros cailloux

Un jour, un vieux professeur de l'Ecole Nationale d'Administration Publique (Enap) fut engagé pour donner une formation sur la planification efficace de son temps à un groupe d'une quinzaine de dirigeants de grosses compagnies nord-américaines. Ce cours constituait l'un des cinq ateliers de leur journée de formation. Le vieux prof n'avait donc qu'une heure pour "passer sa matière".

Debout, devant ce groupe d'élites (qui était prêt à noter tout ce que l'expert allait enseigner), le vieux prof les regarda un par un, lentement, puis leur dit : "Nous allons réaliser une expérience".

De dessous la table qui le séparait de ses élèves, le vieux prof sortit un immense pot "Mason" d'un gallon (pot de verre de plus de quatre litres) qu'il posa délicatement en face de lui. Ensuite, il sortit environ une douzaine de cailloux à peu près gros comme des balles de tennis et les plaça délicatement, un par un, dans le grand pot. Lorsque le pot fut rempli jusqu'au bord et qu'il fut impossible d'y ajouter un caillou de plus, il leva lentement les yeux vers ses élèves et leur demanda :

"Est-ce que ce pot est plein ?".

Tous répondirent "Oui".

Il attendit quelques secondes et ajouta : "Vraiment ?".

Alors, il se pencha de nouveau et sortit de sous la table un récipient rempli de gravier. Avec minutie, il versa ce gravier sur les gros cailloux puis brassa légèrement le pot. Les morceaux de gravier s'infiltrèrent entre les cailloux, jusqu'au fond du pot. Le vieux prof leva de nouveau les yeux vers son auditoire et redemanda :

"Est-ce que ce pot est plein ?".

Cette fois, ses brillants élèves commençaient à comprendre son manège.

L'un deux répondit : "Probablement pas !"

"Bien !" répondit le vieux prof.

Il se pencha de nouveau et cette fois, sorti de sous la table une chaudière de sable. Avec attention, il versa le sable dans le pot. Le sable alla remplir les espaces entre les gros cailloux et le gravier. Encore une fois, il demanda :

"Est-ce que ce pot est plein ?"

Cette fois, sans hésiter et en chœur, les brillants élèves répondirent : "Non !"

"Bien !" répondit le vieux prof.

Et comme s'y attendaient ses prestigieux élèves, il prit le pichet d'eau qui était sur la table et remplit le pot jusqu'à ras bord. Le vieux prof leva les yeux vers son groupe et demanda :

"Quelle grande vérité nous démontre cette expérience ?"

Pas fou, le plus audacieux des élèves, songeant au sujet de ce cours, répondit :

"Cela démontre que même lorsque l'on croit que notre agenda est complètement rempli, si on le veut vraiment, on peut y ajouter plus de rendez-vous, plus de choses à faire."

"Non, répondit le vieux prof. Ce n'est pas cela. La grande vérité que nous démontre cette expérience est la suivante : Si on ne met pas les gros cailloux en premier dans le pot, on ne pourra jamais les faire entrer tous, ensuite".

Il y eut un profond silence, chacun prenant conscience de l'évidence de ces propos. Le vieux prof leur dit alors :

"Quels sont les gros cailloux dans votre vie ? Votre santé ? Votre famille ? Vos amis ? Réaliser vos rêves ? Faire ce que vous aimez ? Apprendre ? Défendre une cause ? Se relaxer ? Prendre le temps ? Ou... tout autre chose ?... Ce qu'il faut retenir, c'est l'importance de mettre ses gros cailloux en premier dans sa vie, sinon on risque de ne pas réussir sa vie. Si on donne priorité aux peccadilles, on remplira sa vie de peccadilles et on n'aura plus suffisamment de temps précieux à consacrer aux éléments importants de sa vie. Alors, n'oubliez pas de vous poser à vous-même la question : quels sont les gros cailloux dans ma vie ? Ensuite, mettez-les en premier dans votre pot".

D'un geste amical de la main, le vieux professeur salua son auditoire et lentement quitta la salle.

samedi 4 février 2012

[...] la psychanalyse, cette science de l’inconscient au service de l’humain et de ce qui le distord.

Bernard Chervet, André Green, un artisan du futur

vendredi 3 février 2012

Et retenir les cris de haine qui sont les derniers mots d'amour.

Charles Aznavour, Il faut savoir

jeudi 2 février 2012

L'apport rafraîchissant de la seconde cybernétique

À ce moment, le courant de la seconde cybernétique, avec ses apports très enrichissants, commence à se déployer. Il faudra toutefois attendre la dernière décade du 20ème siècle pour qu’il ait quelque effet sur les relations entre la psychanalyse et la systémique, mais le climat commence à s’adoucir : qui dit alors systémique, ne dit plus nécessairement anti-sujet, anti-émotion, anti-récit. Avec la notion de système auto-poïétique, renvoyant à une organisation interne du système, la « boîte noire » se trouve à nouveau et officiellement ouverte. Très brièvement, car ils sont archi-connus des lecteurs, rappelons trois apports essentiels de la cybernétique de second ordre : ils nous permettront de mieux réaliser comment certaines connivences vont désormais être possibles entre la psychanalyse et la systémique.

Dès les années 70, des biologistes systémiciens (encore eux), tels que Maturana & Varela (1980), vont insister sur la complexité des systèmes vivants. Relevant l’imprédictibilité de leur évolution, prenant en compte leur inscription dans le temps (« Ce n’est pas nous qui engendrons la flèche du temps. Bien au contraire, nous sommes ses enfants », Prigogine & Stengers, 1979), au point de prêter à chaque cellule vivante une « identité mémoriale », ces scientifiques en viennent à parler de systèmes « auto-poïétiques », « auto-organisés », ou selon l’expression de von Foerster (1981) de « machines non triviales ». Ils visent par ces termes la capacité pour les systèmes vivants, observés dans leur évolution selon un temps diachronique, de générer leurs propres composantes, selon des schémas internes qui leur sont spécifiques. Ils ne sont pas régulés par des « instructions informatives » provenant de l’environnement avec lequel ils sont toutefois en « couplage structurel ». Les notions de « mythe familial », d’« absolu cognitif », de « carte du monde », auxquelles Neuburger (1996), Caillé (1995), Elkaïm (1995) nous ont rendus sensibles dans le champ de la clinique, attestent d’une dimension « invisible » du système.

Cette importance accordée à l’« intérieur » du système va dès lors permettre de mieux comprendre comment dans un système, chaque élément qui le compose a son « autonomie » et l’acquiert selon une dynamique de différenciation. C’est là un apport complémentaire de la cybernétique de second ordre. L’élément n’est plus réduit à ses seuls comportements observables qui alimentent les interactions d’un système. Il est pensé comme disposant d’une vie propre, acquérant une autonomie en lien avec son système d’appartenance, lui-même soumis à un ordre croissant de complexité. En d’autres termes, sa différenciation évolutive va de pair avec celle de son système d’appartenance. Ce qui a pour conséquence que dans un groupe familial, par exemple, chaque membre pourra être reconnu dans sa singularité en fonction de son histoire et de sa trajectoire.

Enfin, à un niveau plus épistémologique, la valeur intrinsèque reconnue à chaque système, comme à chacun de ses éléments constitutifs, génère une compréhension plus élargie de la causalité circulaire. Celle-ci va intégrer désormais l’observateur ou le thérapeute qui, forts de leur propre organisation, sont censés interagir avec le « système observé » et donc l’influencer. Ce n’est plus ce dernier qui est la seule cible d’observation d’interactions circulaires. En prenant au sérieux la part active de l’observateur ou du thérapeute dans ce qu’il observe et ressent – posture exprimée souvent par l’énoncé : « L’observateur entre dans l’univers de son observation » –, on passe d’une épistémologie de la description à une épistémologie de la construction. En termes de processus thérapeutique, on est alors amené tout naturellement à s’interroger sur l’implication personnelle du thérapeute dans le « système observant », implication déterminée par son positionnement aussi bien cognitif que socio-émotionnel.

Nicolas Duruz, Entre psychanalyse et systémique : est-ce que mon cœur balance ?

mercredi 1 février 2012

Le roi sage

Un roi, puissant et sage à la fois, gouvernait jadis la ville de Wirani. Ses sujets le craignaient pour sa puissance et l'aimait pour sa sagesse. Au coeur de cette ville, il y avait un puits dont l'eau était fraîche et cristalline. Tous les habitants de la ville en buvaient, même le roi et ses courtisans; car il n'y avait pas là d'autre puits. Une nuit, alors que tout le monde dormait, une sorcière pénétra dans la ville et laissa tomber dans le puits septs gouttes d'un liquide étrange en disant : "Tous ceux qui, à présent, boiront de ce puits deviendront fou." Le lendemain, tous les habitants de la ville, excepté le roi et son chambellan, burent de cette eau et devinrent fous, comme la sorcière l'avait prédit. Et tout le long de ce jour-à, les habitants de la ville cheminaient dans les rues étroites et sur les places de marché en chuchotant les uns aux autres : "Le roi est fou. Notre roi et son chambellan ont perdu la raison; nous refusons d'être gouvernés par un roi fou. Il faut le détrôner." Ce soir-là, le roi fit remplir un gobelet doré de l'eau du puits. Et quand on le lui présenta, il y but longuement et le donna à son chambellan qui fit de même. Grande fut la réjouisance du peuple dans la ville lointaine de Wirani : le roi et son chambellan avaient, en effet, recouvré la raison.

Khalil Gibran, Le fou