Supposons qu’ayant deviné la représentation jadis refoulée par un de nos patients, nous la lui fassions connaître. Cette révélation n’aura d’abord aucune répercussion sur son état psychique et n’abolira surtout pas le refoulement ni ses conséquences, et peut-être en serons-nous surpris, puisque la représentation autrefois inconsciente est dès lors devenue consciente. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette idée refoulée sera à nouveau repoussée. Mais le patient a maintenant réellement une représentation sous deux formes différentes en diverses localités de son appareil psychique. En premier lieu, il a un souvenir auditif conscient de cette représentation par ce que nous en avons dit, en second lieu, il porte en lui, ainsi que nous le savons avec certitude, le souvenir inconscient, sous sa forme primitive, de ce qu’il a vécu. En réalité, le refoulement n’est levé que lorsque la représentation consciente a pu se mettre en relation, une fois les résistances surmontées, avec les traces mnésiques inconscientes. Ce n’est qu’après que celles-ci sont devenues conscientes qu’on aboutit au succès. Un examen superficiel pourrait faire croire que les représentations conscientes et inconscientes sont des enregistrements différents, topiquement séparés du même contenu. Mais la réflexion montre de suite que l’identité de la révélation faite au patient et du souvenir refoulé par celui-ci n’est qu’apparente. Le fait d’avoir entendu, et celui d’avoir d’abord vécu quelque chose, sont de nature psychologique absolument différente, même lorsque le contenu est identique.
Sigmund Freud, L'inconscient