A l’origine du masochisme il y a une crainte d’un événement douloureux à venir. L’humain le redoute parce qu’il ne sait pas quand il surviendra et de quelle intensité il sera. Le masochiste a compris qu’une façon de réduire cette peur était de provoquer lui-même l’événement pénible. Ainsi au moins il saura quand et comment il arrivera.
Le problème, c’est qu’en suscitant lui-même l’événement redouté, le masochiste découvre qu’il contrôle enfin sa vie. Il est capable de décider quand, comment, pourquoi et de qui lui arrivent des malheurs. Il est alors envahi d’une volonté de tout contrôler. Il provoque tout ce qui lui fait peur afin de s’assurer qu’il ne sera pas surpris.
Plus le masochiste se torture lui-même, moins il a l’impression d’être ballotté par un destin qui le dépasse. Et mieux il peut mesurer sa force. Car il sait que les autres ne pourront pas égaler en intensité douloureuse ce qu’il s’inflige lui-même. Il n’a donc plus rien à craindre de la vie. Plus il augmente sa douleur plus le masochiste se pénètre d’une sensation de contrôle total de son futur. Pas étonnant que nombre de dirigeants et de personnes de pouvoir soient coutumiers de ce genre de fantasmes.
Cependant, il y a un prix à payer. A force de lier la notion de souffrance à la notion de maîtrise de sa vie, le masochiste perd la notion de plaisir. Il est amené à devenir anti-hédoniste. C’est-à-dire qu’il ne souhaite plus recevoir de satisfactions, il demeure uniquement en quête de nouvelles épreuves de plus en plus difficiles.
Bernard Werber, Encyclopédie du savoir relatif et absolu