La psychanalyse nous a donné de nouveaux outils pour comprendre combien la relation à l'autre n'est pas donnée d'emblée mais se devait de passer par de nécessaires étapes en lien avec ce que cet "autre" nous fait vivre. Or ces étapes sont toutes marquées par des paradoxes : l'enfant ne pourra intérioriser une présence de sa mère que dans ses moments d'absence ; pour pouvoir se séparer de l'autre, il faut accepter de s'identifier à lui ; accéder à une authentique solitude suppose d'être avec quelqu'un, présent en soi ; n'accède à la désillusion féconde que celui qui a pu vivre auparavant la plénitude de l'illusion ; n'accède à la réelle autonomie que celui qui a pu goûter une dépendance heureuse, et, en retour, ne pourra s'accepter dépendant de l'autre que celui qui a conquis une indépendance intérieure, etc. Ainsi aucune attitude n'est juste par elle-même ; elle ne le devient que dans la tension maintenue en soi par l'attitude opposée.
Nicole Jeammet, Après Freud, en quel Dieu croire ? Christus n° 197, janvier 2003